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Dossier pratique : le droit des nouvelles technologies

24 avril 2013 12:21

 

Les opérateurs économiques français entrevoient de plus en plus l’intérêt d’être identifié aisément sur le réseau Internet par un ou plusieurs noms de domaine, afin de mieux se faire connaître de leur clientèle, étendre leur présence commerciale sur ce nouveau support de communication, présenter en ligne sur leur site web, des devis, des catalogues de produits, offrir à la vente des produits ou services, faire de la publicité. 
Sur le net, de véritables stratégies d’occupation des noms de domaine sont donc envisagées par des entreprises, dans une phase plus offensive de positionnement sur le réseau Internet afin de renforcer ou d’étendre la protection de leurs propres signes distinctifs, tels que marque, enseigne, nom commercial. Parallèlement naît la nécessité de protéger leur nom de domaine, à l’instar de l’enseigne, du nom commercial, ou de la marque, qui sont susceptibles de cession, et qui font partie de l’actif de l’entreprise.

 

L’enregistrement du nom de domaine créé-t-il des droits ? 

A ce jour, il n’existe aucune définition juridique du nom de domaine, ni aucun statut   légal. Les modes d’attribution des noms de domaine par les autorités de nommage, les recommandations ou résolutions de l’Icann (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers), n’ont aucune valeur légale ou réglementaire, afin de ne pas porter atteinte à la souveraineté des Etats et à leurs droits nationaux. 

Le nom de domaine permet l’identification de l’entreprise et le ralliement de la clientèle, ce qui n’est pas sans rappeler le rôle des signes distinctifs. La marque et les noms, tels que les dénominations sociales, nom commercial, enseigne, noms géographiques, appellations d’origine sont des signes distinctifs, avec une place de choix pour la marque définie comme " signe majeur ".

Peut-on considérer que l’enregistrement du nom de domaine fait naître un droit permettant à son titulaire de s’opposer aux signes distinctifs identiques ou similaires ? Des décisions ont déjà tranché des conflits entre noms de domaine et signes distinctifs, et dans certains cas, le nom de domaine a pu se maintenir face à une marque.

 

Le nom de domaine doit faire l’objet d’un enregistrement auprès d’une autorité de nommage. Toutefois cet enregistrement n’est que déclaratif, et ne confère à ce jour aucun droit reconnu par la loi. Il permet l’attribution d’ une adresse URL   qui se compose de plusieurs éléments : " http " caractérise le protocole de communication utilisé pour se connecter à un serveur web, " www "désigne le world wide web qui regroupe tous les serveurs qui hébergent des sites développés en langage HTML, suivi du nom de domaine de second niveau composé du signe permettant l’identification de la personne physique ou morale et qui peut seul être l’objet d’un droit privatif, suivi enfin du nom de domaine de premier degré (Top Level Domain), suffixe qui identifie la localisation ou le genre du site.

Le nom de domaine de premier degré est, en effet, rattaché soit à un code de pays et donc à une zone géographique (country code Top Level Domain (ccTLD)) .fr pour la France, soit à un domaine générique ( generic Top Level Domain (gTLD)) : entre autres, .com pour les entreprises commerciale qui est le plus utilisé, .net pour les organismes liés à Internet ; .org pour les organismes sans but lucratif.. 
Le gouvernement américain a donné mandat à L’IANA (Internet Assigned Numbers Authority) ainsi qu’à une association d’utilisateur d’Internet (Isoc), d’attribuer les noms de domaines génériques. Elle a délégué ses compétences à des organismes selon des zones géographiques : le RIPE-NCC (Réseaux IP Européens-Networks Coordination Center) pour l’Europe , l’APNIC pour la zone Asie Pacifique, et l’INTERNIC pour la zone des Etats-Unis, ou toutes autres zones non couvertes. Les noms de domaines génériques de premier degré sont les plus convoités en raison de l’absence de rattachement à une zone nationale, ce qui confère au site un caractère international.

 

La réservation d’un nom de domaine générique de premier degré relevant de l’INTERNIC, passe par le NSI (Network Solution Inc) qui a pour tâche de gérer les bases de données sur les noms de domaines et qui avait jusqu’à présent un monopole d’attribution des noms de domaines génériques. Depuis avril 1999, ce monopole a été rompu en permettant à des sociétés privées de procéder à ces enregistrements (Société Oléane, America Online, CORE …), le NSI continue toutefois à leur fournir les logiciels nécessaires. 
Engagée dans la voie de la privatisation des systèmes de noms de domaine, le département du commerce américain a incité à la création d’une société privée sans but lucratif chargée de gérer le système mondial des noms de domaines : L’ICANN (Internet corporation for Assigned Names and Numbers).

En France, le RIPE-NCC a délégué se pouvoirs à l’INRIA (Institut National de Recherche en Informatique et Automatique), qui a créé le NIC-France (Network Information Center France). Depuis le 1er Janvier 1998 L’AFNIC, association régie par la Loi de 1901, a repris les activités du Nic-France et l’INRIA. Sa mission est d’établir, de mettre en œuvre un plan de nommage de la zone .fr, conformément à la loi française et d’exploiter les serveurs des noms de domaine de la zone .fr. Elle compte notamment parmi ses membres les fournisseurs d’accès à Internet, et les utilisateurs. 
Toute personne physique ou morale qui souhaite déposer un nom de domaine dans la zone .fr doit s’adresser à un fournisseur d’accès membre de l’AFNIC et accepter de se soumettre à la charte de nommage de l’AFNIC qui fournit les conditions d’enregistrement des noms de domaine .Un certain nombre de documents administratifs relatifs à l’identité du demandeur, et au signe enregistré sont exigés. Il est expressément mentionné que le " nom attribué est un droit d’usage appartenant à l’organisme demandeur et non au Fournisseur d’Accès Internet. De ce fait le nom de domaine n’est pas cessible d’une société à une autre. Il est impératif de demander un abandon du nom de domaine par une société A et une création pour la société B, cette dernière devant se conformer à la charte de nommage en cours. " 


Le nom de domaine ne fait cependant l’objet d’aucune recherche d’antériorité, par l’AFNIC. 
Il est donc enregistré sous la responsabilité du demandeur qui doit vérifier que le nom de domaine ne porte pas atteinte aux droits antérieurs des tiers. Deux noms de domaine strictement identiques ne peuvent coexister. C’est la règle dite du " premier arrivé, premier servi ". Un nom de domaine, tout comme un numéro de téléphone, ne peut être attribué qu’à une seule personne. 
En revanche, des noms de domaines similaires peuvent parfaitement coexister, même s’ils n’appartiennent pas à la même entreprise, dès lors, par exemple, que le nom de domaine de premier degré est différent.

 


Une récente affaire judiciaire fournit un exemple concret : Le Tribunal de Grande Instance de Paris permet au nom de domaine " agaphone.com " enregistré par la société CTS de coexister avec le nom de domaine " agaphone.fr " enregistré par la société Agaphone, en l’absence de contrefaçon de marque (5). Le nom de domaine de second niveau est ici strictement identique. Les justiciables invoquent souvent à l’appui de leur argumentation, le fait qu’ils soient privés de la possibilité d’enregistrer leur nom de domaine avec tel nom de domaine de premier degré, puisque la place est déjà occupée par l’adversaire. La SA Galeries Lafayette a reproché à l’Association Excellence Française qui avait enregistré auprès de l’INTERNIC le nom de domaine " Galeries-Lafayette.com " de " l’empêcher d’exploiter un site sous ce nom ou de renvoyer les internautes sur son site principal qui est " GLParis.com ", et cela bien que le site ne fût pas exploité. La troisième Chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris a condamné les parties défenderesses pour contrefaçon et usurpation de dénomination sociale, mais n’a toutefois pas retenu le parasitisme.

 

Le cybersquattage

Les cybersquatters ont utilisé la règle du premier arrivé premier servi à des fins mercantiles, en enregistrant avec des noms de domaine génériques de premier degré, des noms de domaine reproduisant des marques notoirement connues, pour les proposer ensuite à la vente à leurs propriétaires. La Société Française de Radio Téléphone a été victime de ce genre de pratique, concernant sa marque SFR. Elle a agi sur le fondement principal de la contrefaçon de marque, et du parasitisme. Elle invoquait notamment qu’en raison de l’indisponibilité du nom sfr.com elle a été contrainte d’ouvrir un site web correspondant à l’adresse sfr.fr dont l’audience est inférieure à un nom de domaine générique de premier niveau. Mais cet argument retenu par le Tribunal, n’a pas suffi à lui seul pour démontrer le parasitisme. En l’espèce le Tribunal de Grande Instance de Nanterre a retenu pour sanctionner les agissements parasitaires, la volonté de profiter de la notoriété de ces marques, l’existence d’un détournement et le risque de confusion.

Il s’agit d’une nouvelle forme de parasitisme où le consommateur est absent. En effet le cybersquatter ne cherche pas à capter la clientèle de SRF et à l’orienter vers ses propres produits ; il n’a pas non plus l’intention de gonfler sa clientèle de consommateurs en profitant d’une confusion dans l’esprit du public. Son client potentiel, c’est sa victime.
Contrairement à la marque, le nom de domaine n’obéit jusqu’à présent, à aucun principe de spécialité. Il est enregistré en .com quelque soit l’activité, les produits et services. 


Le réseau mondial de l’Internet abolit par nature tout principe de territorialité, puisque le nom de domaine est accessible par les internautes du monde entier. Ainsi, une entreprise française peut très bien faire enregistrer des noms de domaine comportant le même nom de domaine de second niveau, pour tous les domaines de premier degré, dès lors qu’elle est la première. Cela permet aux entreprises d’augmenter considérablement leur rayonnement. 
L’OMPI a publié en avril 1999 un Rapport présentant des recommandations à L’ICANN, pour tenter de réformer le système actuel d’enregistrement des noms de domaine, qui n’est soumis à aucun contrôle ni formalisme pour les noms de domaine génériques, et prévoir la mise en place de procédures administratives pour régler les litiges. Une Charte de règlement des conflits d’attribution des noms de domaine de Network Solution Inc (NSI) a déjà été élaborée et permet au titulaire de droits antérieurs de réclamer le transfert à son profit du nom de domaine qui lui cause préjudice, selon des procédures administratives. 
Ces procédures ne sont pas un préalable obligatoire à une action en justice. Cependant, les Tribunaux français ont déjà fait référence à cette charte.

Dans une affaire de cybersquatters, le NSI a dans une déclaration fait connaître qu’il s’en remettait au contrôle et à l’autorité de ce Tribunal ( Tribunal de Grande Instance de Nanterre) en ce qui concerne la disposition de l’enregistrement du nom de domaine Vichy.com. 
Une nouvelle procédure arbitrale de règlement des conflits devant l’ICANN a été mise en place uniquement pour les conflits entre marque en nom de domaine générique de premier niveau (.com, .org, .net) depuis le 3 Janvier 2000. 


Cette procédure est soumise à trois conditions : la marque est identique ou similaire au nom de domaine, le déposant du nom de domaine ne peut justifier d’aucun droit légitime, enfin, le nom de domaine doit avoir été enregistré et utilisé de mauvaise foi. Les plaintes sont déposées devant le centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI et traitées selon les principes directeurs régissant le règlement uniforme des litiges adoptés par l’ICANN

Il s’agit d’une procédure écrite. Ce mode de règlement de litige trouve ses limites dans son champ d’application, très restreint et dans l’absence d’indemnisation de la victime, qui n’est pas non plus remboursée de ses frais.

 

Conflit entre marque et nom de domaine

Le titulaire d’une marque peut interdire tout usage non autorisé de sa marque pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement, en vertu de l’article L713-2 du Code de la Propriété Intellectuelle. 
Le propriétaire d’une marque peut également s’opposer à toute reproduction, imitation ou usage de son signe, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l’enregistrement, s’il peut en résulter un risque de confusion, par application de l’article L713-3 du Code de la Propriété Intellectuelle. Ces dispositions du Code de la Propriété Intellectuelle ont trouvé application en matière de conflits entre marques et noms de domaine. 
La jurisprudence a en effet reconnu qu’un nom de domaine reproduisant une marque constituait une contrefaçon. Dans l’affaire précitée, le Tribunal de Grande Instance de Nanterre a retenu concernant la marque SFR que la contrefaçon est caractérisée du seul fait de l’enregistrement d’un nom de domaine la reproduisant.

Le Tribunal de Grande Instance de Paris a jugé que le nom de domaine Galeries-Lafayette.com constitue la reproduction servile de la marque dénominative Galeries Lafayette, l’adjonction du suffixe .com étant inopérante pour donner à l’ensemble une distinctivité propre. 
Dans les affaires précitées, les titulaires des marques ont eu gain de cause, dans la mesure où leur marque était enregistrée dans la classe 38, autrement dit, le domaine des communications était un service protégé par la marque. 
Le cas échéant, le principe de spécialité de la marque lui fait perdre son efficacité face à un nom de domaine la reproduisant, pour des produits et services non similaires. Dans ces cas le nom de domaine prévaut sur la marque déposée : 
La Cour d’Appel de Paris a considéré que le nom de domaine Alice.fr attribué à la SA Alice qui a pour activité l’édition de logiciels, ne devait pas faire l’objet d’une radiation bien que la marque et le nom commercial Alice appartenant à la SNC Alice pour désigner tout produits et services d’une agence de publicité, fit l’objet d’une exploitation antérieure à l’attribution du nom de domaine. Cette décision a été confirmée au fond par le Tribunal de Grande Instance de Paris qui en déboutant la requérante de son action en contrefaçon, a réaffirmé à cette occasion le principe de spécialité de la marque.

L’enregistrement d’un nom de domaine avant le dépôt d’une marque ne constitue pas non plus, une contrefaçon. Il s’agit du cas particulier où la marque dont le dépôt visait la classe 38, a été déposée postérieurement à l’enregistrement du nom de domaine. Le Tribunal retient que le nom de domaine n’est pas contrefaisant, la société qui se prétendait titulaire de la marque Agaphone ne disposant d’aucun droit de marque à opposer au titulaire du nom de domaine agaphone.com.

L’article L711-4 du Code de la Propriété Intellectuelle réglemente les conflits entre la marque et des droits antérieurs, notamment des signes distinctifs antérieurs, au titre desquels sont énumérés entre autres, la marque antérieure ou notoirement connue, la dénomination sociale ou raison sociale, le nom commercial et l’enseigne, l’appellation d’origine protégée. Une marque peut être annulée si elle porte atteinte à une dénomination sociale antérieure, dans la mesure où il existe un risque de confusion dans l’esprit du public. 
Une marque déposée peut être annulée par un nom commercial ou une enseigne exploités antérieurement, à la double condition que ceux-ci soient connus sur l’ensemble du territoire national, et qu’il existe un risque de confusion. Le propriétaire de l’enseigne ou du nom commercial doit rapporter les preuves de l’exploitation ininterrompue, et du rayonnement national. Il est donc rare qu’une marque qui bénéficie dès son enregistrement d’une protection sur l’ensemble du territoire national, puisse se voir opposer valablement l’antériorité d’un nom commercial ou d’une enseigne. Toutefois il a été jugé que le propriétaire d’une marque déposée ne peut s’opposer à l’usage sur son aire de notoriété, d’une enseigne et d’un nom commercial qui lui sont antérieurs. En conséquence ne constitue pas une contrefaçon de la marque CELIO, l’utilisation d’une enseigne et d’un nom commercial SEELIO alors que cette enseigne et ce nom commercial sont antérieurs à la marque et qu’ils sont utilisés au Pays Basque où ils connaissent une notoriété certaine.

Le nom de domaine ne figure pas dans l’énumération non limitative de l’article L711-4 du Code de la Propriété Intellectuelle. 
Dans son rapport sur la gestion des noms et adresses de l’Internet en date du 23 décembre 1998, l’OMPI est défavorable à la création d’un nouveau droit de propriété intellectuelle pour les noms de domaines. Rappelons que la jurisprudence dominante a refusé au code d’accès le statut   d’un droit privatif opposable, sauf pour les cas de fraude : Attendu que l’usage constant d’un code télématique non enregistré à titre de marque ne rentre pas dans les prévisions de l’article L711-4 Code de la Propriété Intellectuelle ; qu’il s’en suit que la société demanderesse n’est pas fondée à opposer l’usage du code d’accès télématique Domi comme antériorité au dépôt postérieur de la marque Domix du défendeur.
Toutefois en sens contraire, la Cour d’Appel de Paris a reconnu que le code d’accès à un serveur télématique, lorsqu’il permet à l’utilisateur d’identifier ce dernier, est un signe distinctif.

La reconnaissance du nom de domaine comme un signe " sui generis " fera espérons le, évoluer la jurisprudence en matière de code d’accès. 
Une première décision fait application de l’article L711-4 à propos du nom de domaine, en annulant le dépôt d’une marque enregistrée Oceanet au motif qu’elle était antériorisée par le nom de domaine oceanet.com. Les sociétés en présence avaient des activités susceptibles de créer un risque de confusion. Le Tribunal qui souligne que le caractère frauduleux du dépôt n’est pas établi, retient l’usage antérieur du nom de domaine océanet.fr depuis la mi-juillet 1996 alors que la marque complexe Oceanet de la société Microcaz a été déposée postérieurement. " Ce dépôt a été effectué en contravention avec les dispositions de l’article L711-4 du Code de la Propriété Intellectuelle et la marque déposée le 2 septembre 1996 (….) ainsi que son renouvellement (…) seront déclarés nuls pour indisponibilité du signe ".

Cette affaire ainsi que l’affaire Agaphone posent la question de savoir si un nom de domaine peut être opposé à une marque postérieure identique ou similaire, voire même dans l’affaire Oceanet, s’il constitue une antériorité permettant de faire annuler la marque. Le Tribunal de Grande Instance du Mans confère au nom de domaine antérieur le même effet juridique invalidant qu’une marque antérieure. S’il s’était agi d’un nom commercial ou d’une enseigne, l’article L711-4 c) du Code de la Propriété Intellectuelle aurait imposé, de rechercher la connaissance du signe sur l’ensemble du territoire national, et l’existence d’un risque de confusion. C’est dire que cette jurisprudence confère au nom de domaine un avantage par rapport au nom commercial et à l’enseigne. 
Cette décision soumise à l’éventuelle censure de la Cour d’Appel, fait entrer le nom de domaine dans l’énumération non limitative de l’article L711-4 du Code de la Propriété Intellectuelle, et donc consacre le nom de domaine comme droit antérieur. Une telle jurisprudence pourrait ébranler la souveraineté de la marque, ce d’autant que le nom de domaine n’est ni soumis au principe de territorialité, ni à celui de la spécialité. 

 

Conflits entre nom commercial, enseigne, dénomination sociale et nom de domaine

Le cas de l’usurpation d’une enseigne ou d’un nom commercial par un nom de domaine n’a pas encore fait l’objet d’une décision publiée. La situation du propriétaire d’un nom commercial ou d’une enseigne est beaucoup plus fragile que celle du titulaire d’une marque, puisque celui-ci doit en premier lieu faire la preuve de son droit par l’usage. Pour être opposables au nom de domaine postérieur, la jurisprudence devra définir si, l’enseigne et le nom commercial devront être connus sur l’ensemble du territoire national, comme pour l’article L711-4 du Code de la Propriété Intellectuelle, et si un risque de confusion dans l’esprit du public devra être démontré.

La jurisprudence a eu à se prononcer sur l’usurpation d’une dénomination sociale par un nom de domaine aux termes de plusieurs affaires, souvent jugées en référé. Le risque de confusion est en principe retenu lorsqu’il y a usurpation de la dénomination sociale par le nom de domaine. Le Président du Tribunal de Grande Instance de Versailles a jugé que " l’emploi de sa dénomination sociale par une autre personne agissant dans le domaine de l’agro-alimentaire est susceptible d’entraîner une confusion dans l’esprit du public " et que d’autre part, l’enregistrement du nom de domaine "champagnecereales.com " empêchait la coopérative "d’utiliser à cette même fin sa propre dénomination sociale ". 
Le Président du Tribunal de Grande Instance de Marseille a également retenu que " l’emploi de sa dénomination sociale par une autre personne qui agit dans un cadre encore mal défini mais qui ,en tout état de cause , reste concurrentiel eu égard à la circonstance que le défendeur a été au service de Lumiservice (…), est manifestement susceptible d’entraîner une confusion dans l’esprit du public ; alors et surtout, que l’enregistrement du site " lumipharma.com " empêche Lumiservice d’utiliser aux mêmes fins sa propre dénomination commerciale sous laquelle elle est connue, notamment dans les régions du Sud-Est ". L’appropriation est également sanctionnée dans le cas où la dénomination sociale et le nom commercial sont mondialement connus. 
En revanche, lorsqu’il n’y a pas de risque de confusion, ni notoriété de la dénomination sociale, il n’y a pas d’usurpation de la dénomination sociale par le nom de domaine enregistré postérieurement.

 

Source : ls-avocats.comPar Caroline Sitbon, avocat au barreau de Paris depuis 1987 Spécialiste en Propriété Intellectuelle.

 

 

 

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