En ce début d’été et peu de temps après l’excellente édition des « Etats Généraux du Nommage Internet » (EGENI) qui s’est tenue à Paris, c’est au Luxembourg que les professionnels de la « Communauté Internet » s’étaient donnés rendez-vous pour une nouvelle réunion ICANN. Annonces, controverses, émotions et radotages, tous les ingrédients y étaient, la chaleur en plus ! Morceaux choisis.

« Une de plus » Dans le train qui nous ramène vers Paris, ces mots, un rien désabusé, d’un responsable ICANN raisonnent encore…L’ICANN existe maintenant depuis six ans, et on sentait parmi les « vieux routiers » une certaine lassitude. Bien sûr, Internet est toujours un sujet fascinant et les bonnes volontés se pressent nombreuses pour y apporter leur pierre, mais…

Est-ce la chaleur qui se diffuse dans ce que nous appelons – affectueusement ? – depuis le premier jour « Le Hangar », cet immense ensemble de taule, construit pour la présidence luxembourgeoise de l’Union Européenne et généreusement « prêté » à l’ICANN par le gouvernement ? Les échanges ont rarement été aussi houleux que lors de cette réunion de l’ensemble des Registrars et de VeriSign. Son succès dans l’appel d’offre qui lui permet de conserver la gestion du .Net a fait grincer des dents, les mots étaient vifs… VeriSign, vainqueur magnanime n’en a cure – voir Interview – mais l’impact politique de la situation est plus préoccupant : c’est bien ICANN et sa gestion qui sont visés dans ces attaques, c’est le processus qui est mis en cause, ces mêmes critiques qui ont donné lieu à des applaudissements nourris lors du « Forum » de mardi…

Une innovation à saluer : la communauté « francophone » a été conviée dans une petite salle – climatisée ! – pour s’exprimer sur le fameux « plan stratégique » : questions en français, réponse de même grâce à un ingénieux système de petits claviers distribués à chacun. L’occasion, pas si fréquente, de s’exprimer sans entrave et avec une certaine émulation. Souhaitons qu’elle soit renouvelée même si elle ne nous fera oublier un 14 juillet sans feux d’artifices… et dans un hangar !

Petit à petit la « Supporting Organisation » censée fédérer les Registres de Codes de pays (le ccNSO) intègre de nouveaux candidats et semble réussir son pari « d’asphyxier » le wwTLD, l’organisation qui l’a précédé et que la plupart des ccTLDs européens lui préfèrent encore. Notamment le .DE dont l’infatigable juriste a tenté une nouvelle fois de souligner les dangers du texte, notamment parce qu’il donnerait à l’ICANN un trop grand pouvoir sur les ccTLDs. Ces remarques, ont bien sûr été notées – ce sont les mêmes depuis l’ICANN Montréal en 2003 – et seront peut-être prises en compte dans la énième réécriture qui doit intervenir… « C’est le film ‘Un Jour sans fin’, sans Bill Murray » comme il le dit lui-même. Moins drôle, ce vote, lors d’une cession de rédaction : en faveur ? (6 mains se lèvent) contre ? (4) « est-ce que cela veut dire que 12 d’entre vous s’en moquent totalement ? » peut-être…

La professionnalisation de l’ICANN est en marche… Son tout nouveau et anglais responsable des Ressources Humaines recevait même les candidats intéressés par les nombreuses offres du site : Californie ou Bruxelles, il y a le choix, mais le plus amusant était sans doute d’observer les collègues entrant discrètement dans la petite salle pour ne pas être pris en flagrant délit de compromission… ICANN, « l’organisation qu’on aime tant détester » comme le commentait, presque étonné, un « nouveau venu », pas encore blasé mais rapidement au fait des relations ambiguës qui lient l’organisation et ceux qui, chaque trimestre, parcourent le monde pour la retrouver.

Et les noms de domaine dans tout ça ? Ca va plutôt bien selon Sedo, un des premiers acteurs du « second marché ». Le principe est simple : vous avez une idée de nom de domaine attractif (par exemple Allergie.fr, évalué à… 3 700 euros !) et vous voulez gagner de l’argent ? Mettez le en vente sur Sedo.com qui s’occupera de trouver un acheteur et se rémunère sur la transaction. L’idée géniale est récompensée, l’acheteur dispose d’un nom qui lui assure du trafic, tout le monde est ravi, même le Registrar puisqu’il gère le transfert de l’un à l’autre. Bien sûr, certains noms relèvent du Cybersquatting mais ça…

Mais l’événement de cette édition, c’était bien sûr le séminaire organisé par EurID dans la grande salle aux couleurs de l’Europe – marquant la victoire du « oui » au referendum Luxembourgeois survenue deux jours avant ! Les promoteurs d’EurID, notamment Marc Van Visamel son président (voir interview) livraient enfin plus de détails sur le .EU. Toujours pas de date, non, mais des informations pratiques et des détails savoureux : lors de l’envoi des dossiers pour la « Sunrise Period » il ne faut pas utiliser d’agrafes pour gagner du temps lors du traitement (sans quoi, selon Price Waterhouse Coopers chargé de la sunrise, il prendrait plusieurs années !). Détails, peut-être, mais qui n’ont pas été sans conséquences pour Goodyear, Bridgestone et Michelin. Tous trois ont voulu enregistrer « Tire.eu » (« pneu » en anglais) : le premier a laissé passer la date limite pour fournir les documents prouvant qu’il avait le droit de protéger ce mot ; le dossier du second ne comportait pas les bonnes informations ; c’est donc Michelin qui a pu bénéficier de la procédure !

Une de plus… Pourtant, cette « communauté » prend tout son sens quand l’Internet est relégué au second plan. Les deux minutes de silence à la mémoire des victimes des attentats londoniens observées debout par les quelques 400 personnes présentes, de nationalités, âges et religions si diverses, auront marqué les esprits, y compris ceux qui, déjà, étaient présents à la réunion ICANN de Rio le 11 septembre 2001.

JCV & SB