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La protection du nom de domaine

11 avril 2013 09:34

 

S’approprier un nom de domaine afin d’identifier son site internet est désormais un acte simple, voire banal. Les différents prestataires proposant ce service en ligne indiquent clairement la disponibilité ou l’indisponibilité de la dénomination souhaitée en fonction des suffixes existants (.com, .fr, .org, …). Mais celui qui acquiert un nom de domaine pourra-t-il exploiter son site internet en toute sérénité sans craindre qu’un jour un tiers lui impose d’en changer sous peine de poursuites judiciaires ? Malheureusement, la réponse est négative. A peine en ligne, l’existence du nom de domaine pourra être menacée, en fonction du thème du site internet identifié par lui.

 

Très tôt les tribunaux ont dû répondre à la question de savoir si la réservation d’un nom de domaine lui conférait une protection en soi, à l’instar de l’enregistrement pour une marque. L’alignement sur le régime de la marque aurait pu se concevoir car celui qui effectue un dépôt de marque (demande d’enregistrement), bénéficie d’une protection pour le signe choisi quand bien même il n’exploiterait pas celui-ci (du moins pour les cinq premières années). Mais ce n’est pas le cas, le nom de domaine n’étant pas considéré comme un titre de propriété intellectuelle, il ne confère pas de droit privatif à son titulaire. le propriétaire d’un nom de domaine encore inexploité ne pourra s’opposer à l’exploitation par un tiers d’un nom de domaine similaire réservé postérieurement pour identifier un site internet au contenu similaire de celui qu’il est lui-même en train de créer.

Admettons qu’un entrepreneur A réserve le 1er aout 2012 le nom de domaine « www.financentrepreneur.fr » en vue de créer son site internet dédié aux solutions de financement pour les jeunes entrepreneurs. Mais il prend un peu de temps pour le mettre en ligne afin de le peaufiner. Le 1er septembre 2012, il voit avec horreur la mise en ligne par un entrepreneur B d’un site internet « www.financentrepreneur.com » destiné également aux services de financement pour les jeunes entrepreneurs. Il constate de surcroit que la réservation de ce dernier a été réalisée le 15 aout 2012, soit quinze jours après le sien. S’il entend néanmoins maintenir son projet et exploiter son nom de domaine, l’entrepreneur A s’expose à une action en justice sur le fondement de la concurrence déloyale de la part de l’entrepreneur B et ce dernier aura toutes les chances d’obtenir gain de cause. L’entrepreneur A aura beau mettre en avant son antériorité, celle-ci ne lui sera d’aucun secours. Seule compte la date de début d’exploitation du nom de domaine, ainsi l’enregistrement, la réservation du nom de domaine est finalement un acte indifférent d’un point de vue juridique.

S’il n’est pas un titre de propriété intellectuelle mais seulement un « signe distinctif », le nom de domaine peut en revanche porter atteinte à des droits de propriété intellectuelle appartenant à des tiers. Le cas échéant, ceux-ci vont donc pouvoir agir en contrefaçon afin de faire interdire l’usage d’un nom de domaine qui les gêne, de se le faire attribuer, voire d’obtenir des dommages et intérêts pour le préjudice souffert. A l’inverse, le nom de domaine peut également être protégé contre des dépôts postérieurs à son exploitation.

 

Nom de domaine et droit d’auteur

Sur le terrain du droit d’auteur, les décisions de justice sont nombreuses. Par exemple, un site internet dédié au sadomasochisme avait pour nom de domaine « calimero.org ». De surcroit, la page d’accueil du site reproduisait l’image du célèbre poussin malchanceux ainsi que son expression fétiche « c’est vraiment trop injuste ». Les créateurs du personnage s’en sont émus et ont assigné les responsables en contrefaçon de leurs droits d’auteur. Dans un jugement en date du 24 mars 2000 du Tribunal de grande instance de Paris, la juridiction a considéré que la reproduction du nom du personnage Caliméro pour désigner un site constituait bien un acte de contrefaçon.

De même, la Cour d’appel de Paris avait estimé que « se rend coupable de contrefaçon une société utilisant un nom de domaine reprenant le titre d’un logiciel protégé par le droit d’auteur » (Cour d’appel de Paris, 17 février 2006, société Microsoft et société Carpoint contre Sté 3D Soft). Dans cette affaire, la société 3D Soft, titulaire des droits d’auteur sur le titre du logiciel « Carview » avait obtenu la condamnation pour contrefaçon des sociétés Microsoft et Carpoint qui s’étaient appropriées le nom de domaine « www.carview.com ». Selon la Cour : « la contrefaçon par reproduction du titre du logiciel est constituée », faisant application de l’article L. 112-4 du Code de la propriété intellectuelle disposant que « le titre d’une œuvre de l’esprit, dès lors qu’il présente un caractère original, est protégé comme l’œuvre elle-même ».

 

Nom de domaine et droit des marques

Sur le terrain du droit des marques, le Code de la propriété intellectuelle indique que « Ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs » (article L.711-4) puisque celui qui dépose une marque se doit de vérifier la disponibilité du signe (voir l’article : « Déposer sa marque comporte des risques… de contrefaçon »). Les tribunaux considèrent qu’un nom de domaine, à condition, encore une fois, qu’il soit exploité, peut constituer une antériorité et bénéficier à ce titre d’une protection contre les dépôts de marques postérieurs qui seraient identiques ou similaires (Cour d’appel de Paris, 18 octobre 2000, affaire Virgin Limited contre France Télécom). Le titulaire d’un nom de domaine pourra donc, le cas échéant, s’opposer au dépôt de marque d’un tiers, voire agir pour demander la suppression de celle-ci.

A l’inverse, mais selon la même logique, la réservation et l’exploitation d’un nom de domaine pourtant disponible peut constituer une contrefaçon d’une marque antérieure identique ou similaire.

 

Nom de domaine et autres signes distinctifs : dénomination sociale, nom commercial et enseigne

La dénomination sociale, le nom commercial et l’enseigne, à l’instar du nom de domaine, ne constituent pas des titres de propriété intellectuelle à proprement parler. Comme la marque, ils servent cependant à identifier les produits et les services d’une entreprise. La dénomination sociale identifie une personne morale, elle est l’équivalent pour cette dernière, du nom patronymique pour une personne physique. Le nom commercial a vocation à distinguer un fonds de commerce et l’enseigne indique le lieu où est physiquement exploitée l’activité. Ce sont donc également des signes distinctifs.

N’étant pas des titres de droits de propriété intellectuelle, ce sont les règles classiques de la responsabilité civile qui s’appliquent pour assurer leur protection juridique. En cas d’action en justice, celle-ci sera fondée uniquement sur la concurrence déloyale et non la contrefaçon. Ainsi, l’entrepreneur qui constaterait l’existence d’un nom de domaine reprenant de façon identique ou proche, la dénomination sociale, le nom commercial ou l’enseigne de sa société pourra obtenir la suppression de celui-ci, voire des dommages et intérêts. Mais pour cela, il devra démontrer la faute de son concurrent, le préjudice subi et le lien de causalité entre ces deux éléments.

Les noms de domaine font désormais partie intégrante du paysage économique international. Tout comme les droits de propriété industrielle et les signes distinctifs traditionnels, ils sont des instruments de concurrence et des actifs incorporels des sociétés. Il est naturellement indispensable de s’en doter pour qui veut exister sur un marché. Mais il faut veiller à ne pas entrer en conflit avec ses concurrents en reprenant, même de bonne foi, des signes distinctifs proches des leurs. A l’inverse, il convient également faire respecter ses propres signes distinctifs en ne laissant pas des tiers s’approprier des signes proches des siens pour proposer des services identiques ou similaires.

 

Source : Maître Blondieau pour village-justice.com

Moyens techniques :
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