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Les noms de domaine génériques sont libres d’utilisation

7 juin 2013 12:21

 

 

En droit des marques, le choix d’un signe à protéger est guidé par l’exigence de distinctivité, posée par le Code de la propriété intellectuelle : une marque n’est valable que si le terme ou l’expression qui la compose est apte à distinguer les produits et services qui en sont revêtus des produits et services des concurrents. A rebours, le choix d’un nom de domaine sera généralement porté sur le signe le plus générique possible, dans un objectif de référencement sur internet.

Afin d’attirer les internautes, le déposant va tenter d’exploiter un nom de domaine qui se rapproche le plus possible des termes d’une requête sur un moteur de recherche. Ceci rend d’autant plus difficile le choix d’un signe de ralliement de la clientèle : si l’on réserve un nom de domaine générique, il existe un risque que la marque correspondante soit nulle. Et même dans ce cas, le nom de domaine ne sera pas protégeable, comme vient de le rappeler la Cour d’appel de Bastia dans un arrêt du 20 mars 2013.

 

Cette affaire concernait le nom de domaine "mariagesencorse.com", exploité par des professionnels de l’organisation de mariages… en Corse. Un litige opposait les titulaires de ce nom de domaine à un tiers qui avait, pour sa part, déposé le nom de domaine "mariageencorse.com". Les deux signes différaient donc par la seule présence d’un "s" au mot "mariage". Les titulaires du premier nom de domaine avaient engagé une action fondée sur un grief de concurrence déloyale, en invoquant un risque de confusion entre les noms de domaine. En première instance, le Tribunal de commerce d’Ajaccio avait considéré que, par le dépôt du nom de domaine "mariageencorse.com", les défendeurs avaient "usurpé" le nom de domaine "mariagesencorse.com" et commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme.

 

En appel, la Cour de Bastia a opté pour une solution radicalement opposée. Selon les juges, "en vertu du principe de la libre concurrence, seul le titulaire d’un nom de domaine distinctif peut en rechercher la protection sur le fondement de l’article 1382 du code civil au titre de la concurrence déloyale, l’enregistrement d’un nom de domaine auprès d’une autorité de nommage ne lui conférant aucun droit privatif ni le bénéfice d’aucun statut   juridique propre."

 

La Cour a donc retenu un raisonnement tiré du droit des marques pour considérer qu’un nom de domaine générique ne pouvait pas faire l’objet d’une protection au titre de la concurrence déloyale. En l’espèce, l’expression "mariageencorse" est trop générique pour bénéficier d’une quelconque protection.

 

La solution n’est pas nouvelle : plusieurs décisions se sont déjà prononcées en ce sens. Par exemple, la Cour d’appel de Paris a jugé le 5 mai 2010 que le terme "coursier", exploité au sein d’un nom de domaine dans le cadre d’un site proposant des services de coursier, ne pouvait pas faire l’objet d’une protection contre le dépôt du même nom de domaine dans une autre extension.

 

De même, les termes et expressions "hotel", "argus", "illico", hoteldecharme", "solistesfrancais", "boistropicaux" et "chambre-et-literie" ont été jugés trop descriptifs de l’activité désignée pour permettre à leur titulaire de s’opposer à leur usage en tant que noms de domaine au sein d’autres extensions.

Dans l’affaire corse, la Cour d’appel de Bastia est allée assez loin dans son raisonnement, en retenant que "les intimés ne peuvent valablement se prévaloir de la protection du nom de leur domaine, s’agissant d’un nom de domaine générique et descriptif de l’activité de la société", même en présence d’un risque de confusion entre les noms de domaine. Le risque de confusion est pourtant l’un des critères de l’action en concurrence déloyale.

En d’autres termes, les noms de domaine génériques appartiennent à tous et peuvent être utilisés par tous. Cette solution est, dans une certaine mesure, logique : elle rejoint la dernière jurisprudence en matière de mots-clés sur Internet. L’idée retenue désormais majoritairement par les juges est la suivante : sur internet, la course au référencement est libre.

 

S’il est dorénavant possible de réserver des signes distinctifs appartenant à des tiers en tant que mots-clés, pourquoi devrait-on protéger les noms de domaine non distinctifs ?

En somme, seul celui qui fera preuve de créativité et optera pour un signe suffisamment apte à le distinguer de ses concurrents mérite une protection, tant sur le plan de la contrefaçon que de la concurrence déloyale. Il faudrait donc apparemment choisir entre visibilité sur internet et protection par la propriété intellectuelle. Heureusement, les deux ne sont pas inconciliables…

 

Source : Journal du net, Matthieu Berguig, avocat associé Redlink

Moyens techniques :
Domaine.info

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