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Premiers constats des dérives du .EU - 15-Mars-2006

15 mars 2006 09:30

Eurid contre Eurid ?

Depuis le lancement de l’extension européenne, tout avait l’air de se passer comme dans le meilleur des mondes... Du moins jusqu’à l’attribution des premiers noms. Mais il fallait malheureusement s’y attendre. La machine qui se voulait sans faille vient de déraper.

Dès la semaine dernière, notre rédaction a été informée par certaines entreprises ou dirigeants d’un nombre plus ou moins important d’erreurs constatées et qui pouvaient léser de manière importante certains prétendants et ayant-droits. Nous en avions connaissance mais sans connaître véritablement l’envergure de ces cas qui semblaient être très isolés.

Après notre enquête un grand nombre de demandes sont passées sous le statut   "expiré" alors même que les documents ont été reçus et datés par le pwc. Il semble que même le registre   soit impuissant devant cette situation encore inconnue. Mais de quel problème s’agit-il ?

Comme nous l’avions déjà évoqué à plusieurs reprises dans nos précédents articles, lors de la période sunrise, toute personne éligible selon les conditions établies par l’eurid pouvait soumettre une demande à l’eurid pour tenter d’obtenir le nom de domaine correspondant à sa marque. Or au moment de cette demande, une période de 40 jours vous était accordée pour vous permettre de transmettre les documents requis au registre   & agent de validation (pwc.be). En général, cette phase est prise en charge par le bureau d’enregistrement auquel vous aviez confié la demande de votre nom de domaine. Dès la réception des documents par le pwc, une nouvelle date s’affiche pour informer le demandeur ainsi que les autres prétendants que les documents sont bien arrivés entre les mains de l’agent de validation qui va les examiner et donner sa décision quant à l’acceptation ou au rejet de la demande. Dans le cas où les documents ne parviendraient pas au pwc dans les 40 jours, le statut   de la demande passerait automatiquement en "expiré". Ce qui signifierait que la requête ne serait pas prise en considération et de ce fait rejetée. C’est exactement ce qui est arrivé, sauf que les documents ont bien été envoyés et bien confirmés par le pwc.

Il est inutile de souligner l’étonnement et la panique des têtes de listes. Ayant été prévenu de cette anomalie que nous imaginons technique, l’eurid n’est pas en mesure de restaurer ces statuts dans leur position véritable. De ce fait, elle est obligée de mener une procédure interne contre elle-même (d’où la petite étoile visible dans les tableaux consultables sur www.whois.eu). La procédure des examens des dossiers ayant pris déjà un retard incommensurable (certains domaines ne pourront être validés qu’après examen en 2007), une colonne dans le planning va certainement s’ajouter aux autres déjà existants pour cette fois permettre d’intégrer le calendrier des procédures de révision ou d’ADR que des tiers cette fois souhaiteraient intenter contre la décision de l’eurid.

Il ne faut pas rester sans rappeler que c’est la toute première fois dans l’histoire du monde des noms de domaine qu’un registre   est chargé d’introduire une extension d’une telle envergure en respectant au mieux tous les ayant-droits.

Ce problème est apparu postérieurement à l’ouverture de la sunrise. Mais nous avons aussi constaté une autre lacune qui cette fois semble avoir existé bien avant le lancement de l’extension.

Antériorité ou territorialité ? Une Europe en mal de repères électroniques.

En effet, la procédure "sunrise" devait permettre aux détenteurs de marque de déposer leur noms durant sa première phase. Jusque là, l’intention est louable. Mais là où les choses se compliquent c’est la méthode de traitement et d’attribution des noms. Si l’on se base sur le fait qu’une personne a un droit protégé par la propriété intellectuelle ou industrielle, on ne doit plus soumettre son droit à une règle ou contrainte technique interne à un organisme privé qui servirait le premier arrivé. Un propriétaire d’une marque doit avoir ce droit de par la date de l’enregistrement de sa marque et ne saurait voir son droit évincé du fait d’un règlement interne. Dans cette règle de l’Eurid, il y a manifestement un abus de droit quant à l’attribution d’un nom à une personne dont la marque a été enregistrée dans le seul but de répondre aux exigences du registre   pour l’attribution d’un nom de domaine : Une marque valablement enregistrée.

Exemple : Mr. Dupont possède la marque "abc". Il la dépose auprès de l’inpi le 1er janvier 2000. La marque est validée et publiée dans les classes demandées par le futur propriétaire. Mr. Durant dépose alors cette même marque, dans des classes différentes pour une activité différente le 1er janvier 2004. La marque est validée et publiée dans les mêmes conditions. Les deux prétendants soumettent une demande à l’eurid en vue de l’obtention du nom de domaine abc.eu. Selon les règles de l’eurid, le nom serait attribué à celui qui a présenté sa demande en premier et non pas à celui qui a l’antériorité sur la marque.

En droit, que ce soit communautaire ou national, la territorialité de la marque a effectivement une importance considérable lorsque l’activité rattachée est exercée au niveau national. Mais l’antériorité est surtout primordiale lorsqu’on est dans le domaine de l’internet et c’est exactement le cas qui nous occupe. Dans un tel monde, où la territorialité n’a plus de sens, on vois mal comment empêcher une marque déposée en France à ne pas s’exporter par la force du réseau des réseaux aux pays limitrophes, voire au niveau international. Devant ce dilemme, il semble que l’eurid ai tranché vers la solution de territorialité plutôt que de l’antériorité. Un paradoxe pour un registre   offrant l’extension internet du .eu !

Dans ce cas de figure, le traitement est bien plus simple pour l’eurid mais les victimes plus nombreuses. On ne se soucie plus du véritable droit par rapport à la date de l’enregistrement de la marque et le contrôle devient plus facile, plus simpliste. Le premier arrivé verra son dossier examiné en totale ignorance de ce que le suivant présente comme droit. Cette règle du premier arrivé premier servi a aussi incité d’autres formes de montages détournant la bonne volonté de l’eurid. Étant donné qu’un registrar accrédité par l’eurid n’est en droit de soumettre qu’une seule demande par seconde, certains ont déposé une multitude de dossiers d’accréditation au nom d’entreprises fictives afin d’augmenter ce nombre. La plupart des noms demandés en première position appartenaient aux registrars eux-mêmes. Aucun contrôle n’a été fait par l’Eurid pour s’assurer de la véracité de ces demandes. Il suffisait de regarder la date de création et le capital social de ces sociétés créées quelques jours auparavant avec souvent 100 livres sterling ou euros. Il faut noter que chaque dossier présenté devait être accompagné d’un versement de 10.000 Euros. Ca donne à refléchir.

La solution la plus équitable aurait été sans doute de privilégier l’antériorité de la marque en procédant, après la réception de la totalité des demandes dans un laps de temps déterminé, à une étude de l’antériorité des marques et donc d’attribuer le nom de domaine au propriétaire de la marque la plus ancienne. Si l’Europe est unie, ça devrait être pour le meilleur comme pour le pire. Un nom de domaine en .eu a une vocation européenne, donc la territorialité nationale perd son sens. De plus, la méthode retenue ne privilégie que les dérives en incitant certaines personnes malveillantes à détourner le principe même des droits des marques en enregistrant massivement les noms génériques auprès d’un organisme officiel de la propriété intellectuelle. C’est ainsi que les bureaux d’enregistrement de marques du Benelux, de la France et des principaux pays européens ont vu leur demande d’enregistrement de marque augmenter de plus de 500% (voir 1000% dans certains pays) durant les premiers mois de cette année 2005, date correspondant à la publication des règles d’attribution des noms de domaine en .eu. Certaines personnes privées (principalement des professionnels des noms de domaine) sont à l’origine d’enregistrement de plus de 2000 marques chacunes et qui ne seront jamais utilisées dans le cadre de leur vocation première. Cela vide la notion même de marque de son objet initial.

D’ores et déjà, de nombreuses procédures ADR sont en cours. Il semble aisé d’imaginer la suite des événements dans les prochains mois. Le coût de ces procédures devrait en dissuader un grand nombre. Il faut compter environ 4000 euros pour une procédure ADR (frais d’avocat compris). Dommage que la construction de l’Europe ne soit pas à la porté d’un plus grand nombre et connaisse autant d’échecs. Seul l’avenir nous le dira.

L’Eurid s’explique

Suite à la rédaction de notre article et au moment de sa publication, nous avons reçu une réponse de la part de l’eurid , Mercredi 15 Mars 2006 14:59 en ces termes :

"Madame, Monsieur,

Votre nom de domaine ainsi qu’un nombre limité d’autres applications sont affichés par erreurs comme « expirés » dans la base de données WHOIS ; même si vous avez envoyés vos documents dans les temps. Cette erreur est une erreur technique qui sera corrigée prochainement.

Il n’est pas utile de réagir en conséquent. Votre demande sera prise en compte prochainement et la base de données WHOIS sera mise à jour dans les plus brefs délais.

Veuillez nous excuser pour cet inconvénient.

Salutations cordiales,

L’équipe EURid. "

mercredi 15 mars 2006 14:59

JCV & SB

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